05/09/2009

Miracle ! (23ème dimanche)

Pendant des siècles, et encore pour certains, le miracle était une quasi preuve de la foi, un argument pour attester de la vérité de la foi. Depuis quelques siècles, pour beaucoup aujourd’hui, le miracle est plutôt un obstacle pour la foi. Il faut dire que l’on ne parle pas de la même chose selon les époques.

Depuis l’invention de la science contemporaine, qui dit miracle dit violation des lois de la nature. Le miracle s’oppose à la rationalité scientifique de sorte qu’il faudrait choisir : la foi ou la science. En outre, aujourd’hui, il y a une signification complètement sécularisée du miracle. Dès qu’apparaît quelque chose de surprenant et inattendu, c’est miraculeux. On retrouve quelqu’un sous les décombres d’un tremblement de terre dix jours après le désastre et les journaux titrent : Miracle ! On évite de justesse un accident et l’on crie au miracle. Dans ces dernières manières de parler, le surnaturel n’est plus en jeu. On ne pense plus vraiment qu’une force supérieure, Dieu, serait entrée dans le cours des choses pour les modifier. On veut seulement manifester l’étonnement sans que les lois scientifiques ne soient vraiment remises en cause.

Dans le monde Antique et médiéval, on était tout autant étonné, émerveillé ou effrayé devant ce que l’on appelait miracle, mais la séparation entre la sphère céleste et le monde sublunaire n’était pas étanche. Dans le livre de l’Exode, par exemple, on est effrayé lorsque le bâton que Moïse jette à terre se transforme en serpent. Mais les magiciens de Pharaon en font autant. Même ce qui est étonnant peut être commun !

Pour lire les Ecritures aujourd’hui, nous ne pouvons pas ignorer que notre conception du miracle n’est plus celle des auteurs, de sorte qu’entre ce qu’ils appellent miracle et ce que nous comprenons, il n’y a pas identité, synonymie, mais plutôt hasard de vocabulaire, homonymie. Il convient alors de repérer précisément ce que l’on appelle miracle. Dans les évangiles, il s’agit d’un récit. Un miracle est toujours un récit de miracle au cadre narratif assez strict : rencontre de Jésus avec le bénéficiaire du miracle, dialogue supposant la foi ou, chez Jean qui parle de signe, concluant à la foi, absence de magie et gestes simples sobrement décrits comme si justement, on voulait écarter le merveilleux.

Ce n’est plus d’abord l’incompatibilité entre la science et ce qui en outrepasse les lois, entre le surnaturel et l’immanent, entre le rationnel et ce qui lui échappe qui nous arrête par rapport au miracle. Les raisons aujourd’hui sont autrement plus radicales dans la mesure où elles sont théologiques. Nous faisons l’expérience d’un monde dont Dieu semble absent, d’un monde où, du moins, il est impuissant. Qu’a-t-il fait lorsque son peuple était exterminé (six millions de Juifs supprimés par la solution finale) ? Que fait-il dans toutes ces guerres auxquelles nous n’arrivons pas à mettre fin, et ce n’est pas faute de prier pour la paix ? Que fait-il quand tant d’enfants de par le monde meurent de faim, de paludisme, etc. ?

Certains d’entre nous ont la réponse. Ils mettent en avant la liberté des hommes que Dieu ne saurait contrecarrer sans faire d’eux de simples marionnettes. Mais enfin, le prix est un peu élevé ! Six millions de Juifs et il ne bouge pas ? Vous entendez bien laisser vos enfants libres, mais quand leurs actes mettent en péril leur santé ou la sécurité des autres, vous intervenez, justement pour garantir leur liberté. Dieu n’en ferait pas autant lui dont la paternité pleine d’amour et de bonté n’a rien à envier aux nôtres ?

D’autres avancent encore que Dieu intervient, ici ou là, qu’il y a encore des miracles, par exemple à Lourdes. Cette défense me paraît encore plus dangereuse que la précédente pour le matricule divin. Car enfin, Dieu pourrait intervenir pour soulager tel ou tel malheur, parfois bénin, mais laisserait périr des milliers d’enfants chaque année ? Voilà une défense de Dieu qui se retourne en accusation : où est sa justice ?

Bref, ou Dieu est Tout-puissant, capable en outre de miracles, et alors il n’est pas bon, ou alors, il est impuissant et il n’y a pas de miracle. Déjà Platon écrivait qu’il fallait dire plutôt que Dieu était bon que Tout-Puissant. Néanmoins, notre credo n’affirme-t-il pas, et nous le récitons chaque dimanche : Je crois en Dieu, le Père Tout-Puissant ?

A défaut de donner une solution, j’aurais montré l’importance de la question et expliqué pourquoi nous sommes si mal à l’aise par rapport au miracle. Je ne peux tout de même pas finir sans ouvrir au moins une piste.

Si nous devons comprendre ce qu’il en est du miracle, nous devrions chercher du côté de notre vie de croyants. C’est pour moi une chose qu’il faut bien dire miraculeuse : Jésus de Nazareth, le crucifié ressuscité du 1er siècle, nous est présent comme le frère et l’ami dans un compagnonnage de chaque instant. Nous vivons avec lui comme un vivant, mieux, vivre avec lui fait de nous des vivants. Cette contemporanéité ne semble même pas nous étonner, alors que c’est tout de même merveilleux, alors que nous ne savons en rendre compte autrement qu’à la constater, et que cela ne vient heurter ni le credo ni nos représentations scientifiques !

N’est-ce pas d’ailleurs ce qui ressort de tous les miracles évangéliques, n’est-ce pas ce que disent tous les récits de miracle : Jésus est le vivant qui fait vivre ?

Textes du 23ème dimanche B : Is 35,4-7 ; Jc 2,1-5 ; Mc 7,31-37

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