26/12/2009

Peut-on oublier la conception virginale ? (Ste Famille)

Nous lisons la fin du chapitre 2 de l’évangile de Luc. Le verset suivant donne un nouvel élément de calendrier, comme à la naissance de Jésus. Nous voilà une trentaine d’années plus tard. Saut dans le temps. Nous nous retrouvons avec le Baptiste et sa prédication dans le désert.

Et voilà ce que nous avons entendu : Mon enfant, pourquoi nous-as-tu fait cela ? Vois comme nous avons souffert en te cherchant ton père et moi ! Il leur dit : Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le savez-vous pas, c’est chez mon père que je dois être. Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.

Ces quelques versets ne semblent pas connaître la conception virginale. La mère de Jésus parle de son époux comme du père de l’enfant. Ni l’un ni l’autre ne comprennent la réponse qui leur est faite. Mais enfin, même douze ans plus tard, pourrait-on avoir oublié pareille conception ? Comment se fait-il que ses parents ne comprennent pas ?

Voilà une bonne question pour entrer dans les évangiles de l’enfance. Ce qui nous paraît un dogme central de la foi ne l’est pas du point de vue de la narrativité évangélique. Comment, si la conception virginale est un événement historique et si Marie est celle qui renseigne Luc pour écrire son texte, nos versets sont possibles ? Comment, comprendre alors le texte de Luc ?

Contrairement aux apparences, Luc ne parle pas de la conception virginale. Ce n’est pas son problème. Ce dont il parle, c’est de Jésus. Il veut le présenter, dire qui il est, non pas seulement factuellement, mais aussi de telle sorte que les lecteurs entrent dans la foi de l’Eglise dont l’évangile témoigne autant qu’il la fonde. La conception virginale est une manière, un moyen, pour Luc de dire l’identité de Jésus. Ce dont parle Luc c’est de Jésus. Comme Paul, il pourrait dire : Je n’ai rien voulu savoir si ce n’est Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.

Comment dire le secret, l’identité d’un homme ou d’une femme. La description rate le plus important. On peut seulement raconter des histoires, avec toute l’ambigüité de l’expression raconter des histoires. Le mystère de la personne humaine ne s’exprime pas par l’observation technique, scientifique, biologique, ou du moins si peu. Que saurions-nous de nous mêmes si nous savions tout, biologiquement, de notre conception, si nous disposions d’une description biométrique ? Et s’il faut parler de cet homme Jésus que Luc et beaucoup d’autres avec lui confessent comme leur Seigneur, comment ne pas être encore plus empêché de décrire ?

Luc parle donc seulement de Jésus. Il dit que c’est un homme comme tous, avec une maman, vivant dans une famille. Et c’est une évidence, remise en cause seulement peut-être par quelques hurluberlus qui prétendent que Jésus n’aurait jamais existé. Luc veut faire découvrir que cet homme, assurément fils de Joseph (Lc 4,22 : Jn 1,45) a ‑ oh comme cela relance encore plus notre stupeur ! ‑ deux papas.

Qui donc est-il ? La réponse n’est pas un savoir. La réponse est une mise en route, une vie configurée, un chemin qui passe par la croix, une vocation à la vie plus grand, la vie même de Dieu qui se révèlent aussi notre père. Nous aussi, nous aurions alors deux papas ? Cette mise en route ne sera toujours pas achevée à la fin de l’évangile : ce n’est en effet pas un hasard si le grand récit d’apparition de Luc se fait sur un chemin, celui d’Emmaüs. Encore à ce moment, on ne comprend pas, on ne croit pas. Certes, il y a de quoi être excédé : Cœurs sans intelligence et lent à croire ce qu’ont annoncé les prophètes.

Mais au début de l’évangile, il est hors de question pour Luc de dispenser ses lecteurs de l’itinéraire qu’il leur a préparé. Luc donne discrètement, pour ceux qui ne liront pas ce texte n’importe comment, de quoi se poser des questions, de quoi entrer dans la marche. Pour lire le texte, il faut accepter d’être disciples. Autrement, c’est un autre texte qu’on lit, merveilleux ou bêtement naïf.

Si vous lisez trop vite en effet, la conception virginale vous apparaît soit comme un merveilleux digne de foi parce qu’irrationnel, ou signe de l’erreur de toute religion. Et vous que dites, vous, pour vous qui suis-je ? La question n’arrivera qu’au chapitre 9. Nous ne serons d’ailleurs pas encore au milieu du parcours !

Il en va de même pour l’histoire de Jésus avec les docteurs de la loi. Luc ne raconte pas que Jésus est un surdoué qui, à douze ans, tiendrait tête aux docteurs. Il raconte autre chose, il cache encore une question pour que le lecteur qui veut devenir disciple trouve les indices d’une conversion de vie dont il a besoin au moins autant que d’informations sur Jésus.

Il y a en cet enfant plus que la loi, toute la loi de Moïse, mais aussi l’Esprit qui est vit. Il y a avec cet épisode un passage de témoin. Les interprètes de la loi s’inclinent devant ce que Jean faisait entendre dans l’évangile du jour de Noël : De sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce pour grâce. Car la Loi fut donnée par Moïse ; la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître.


Texte de la Sainte Famille C : 1 Sa 1, 20-28 ; 1 Jn 3, 1-2, 21-24 ; Lc 2, 41-52


Prière universelle

Seigneur Jésus, toi qui n’abolis pas mais accomplis la loi, donne à ton Eglise de marcher à ta suite sur les chemins de la grâce. Ainsi, tu lui fais connaître la vérité du Père.

Seigneur Jésus, donne-nous de te chercher, de nous mettre en route, comme des disciples que nous voulons être. Que notre amour de ta parole nous donne de lire les Ecritures avec toujours plus de joie et de sérieux pour prendre à ta suite le chemin de la vie.

Seigneur Jésus, nous te prions pour les familles. Elles n’ont pas toujours l’allure habituelle, elles sont souvent déroutantes, et pourtant, elles veulent être lieux de joie et de paix. Bénis-les.

1 commentaire:

  1. Et pour "commenter" ce même évangile, l'Eglise de Madrid organise une "super-messe" pour la famille chrétienne, contre le gouvernement. La première de El publico marque: "la fortune des riches a cru de 27% en cette année de crise"; et juste en dessous: "homélie apocalyptique de Rouca Varela, charge de l'archevêque de Madrid contre les lois socialistes qui menaceraient la famille traditionnelle". El Publico a avec cette première parfaitement résumé la myopie imbécile d'une portion dominante de l'Eglise.

    Philippe Gastrein

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