22/12/2017

« Rien n’est impossible à Dieu », mais pas n’importe quoi (4ème dimanche de l'Avent)


Parmi les dogmes qui rendent l’évangile non-crédible, qui le disqualifient aux yeux de beaucoup, il y a la conception virginale. Faudra-t-il dire avec Pierre Damien, que plus c’est incroyable, mieux cela manifeste la toute-puissance divine que rien ne peut limiter, pas même les lois les plus élémentaires de la nature ? Ce serait assurément, pour sauver une compréhension biologique voire matérielle de la conception virginale, détruire la toute-puissance divine, qui n’a rien à voir avec l’arbitraire d’un pouvoir autocrate, le bon vouloir d’un infantilisme capricieux. La toute-puissance de Dieu consiste en cela seulement que le Tout-puissant a le pouvoir de se faire serviteur, serviteur de notre vie et de notre joie. Sa toute-puissance réside dans la capacité à se débarrasser de toute puissance, parce que l’amour n’est jamais dans la puissance, mais dans la force du service. Et il en faut de la force pour se mettre à la disposition de l’aimé-même, nous le savons d’expérience, pour renoncer à la puissance.
Faudra-t-il dire, comme ceux qui reprennent en le trahissant un propos que Tertullien n’a pas même prononcé Je crois parce que c’est absurde ? Non, croire n’est pas croire n’importe quoi, gober n’importe quoi. Croire, c’est s’en remettre en confiance au Seigneur. Les chemins par lesquels il nous conduit n’ont que rarement la transparence de l’évidence, mais ils ne sont pas absurdes ; la foi n’a rien à voir avec l’absurdité, l’irrationnel, la contradiction des lois (et ratio signifie aussi loi, ordre). L’adage tiré des œuvres de Tertullien signifie cela : rien ne justifie, ne prouve la foi, non parce qu’elle est n’importe quoi, mais parce que la foi est ce qui justifie l’existence humaine. Pour dire qu’elle n’est pas démontrable, que tenter de la démontrer (ce que firent pourtant des théologiens) c’est la détruire, l’hyperbole est le chemin, credo quia absurdum. La confiance n’a que faire de la preuve.
Ainsi donc, laissons aux pseudo-apologètes les gymnastiques et contorsions absurdes, et prenons au sérieux ce qu’il y a d’incroyable dans la conception virginale, non seulement pour répondre de notre foi devant qui nous en demanderait raison, ne serait-ce qu’en relevant l’abracadabrant d’un mythe pareil, mais surtout pour nous-mêmes, pour que nous puissions croire vraiment. Un enfant de CE2 me disait cette semaine, c’est bizarre tout ça, ayant manifestement choisi bizarre pour ne pas dire impossible, incroyable, mensonger. Le texte Luc n’a pas peur de parler d’impossibilité : « Rien n’est impossible à Dieu ».
La conception virginale n’est connue dans les Ecritures que par les évangiles de Matthieu et de Luc. Marc et Jean en ignorent tout. Jean et Paul, comme tout le nouveau testament, à part Matthieu, Marc et Luc, ignorent jusqu’au prénom de Marie ou n’ont pas jugé pertinent de le faire connaître. Marc ignore tout de Joseph, jusqu’à son prénom ; pour lui, c’est Jésus le charpentier.
Jésus a une maman, comme tout le monde. C’est un fils d’homme, semblable à nous en tout. Il est né d’une femme, comme dit Paul, ajoutant qu’il est soumis à la loi, qu’il est juif ; sa maman est juive. Pour ceux qui rencontrent Jésus, cet homme a aussi évidemment un papa et des frères et sœurs. « Celui-là n’est-il pas le fils du charpentier ? N’a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez nous ?» Matthieu ne conteste pas cette opinion. En Luc, Marie elle-même semble tout ignorer d'une conception hors-norme, lorsqu’elle cherche Jésus qui avait échappé à sa surveillance : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés. »
La conception virginale, qu’elle soit racontée par le songe de Joseph en Matthieu ou par l’annonce faite à Marie en Luc, vient introduire un coin dans l’évidence de l’identité de Jésus et par suite de chacun d’entre nous. On n’a pas tout dit de l'origine de Jésus quand on a ainsi parlé de sa famille. Si Jésus a une maman comme tout le monde, si évidemment il est homme né d’une femme, il n’a pas de papa, à la différence de tous les autres. Et précisément, le parcours des évangiles conduit à déchiffrer l’identité de Jésus. De qui est-il véritablement le fils ? Ainsi s’achèvera l’évangile de Marc : « Pour de vrai, cet homme était le fils de Dieu ! ».
« Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la loi, afin de racheter les sujets de la loi, afin de nous conférer l'adoption filiale. » La filiation divine de Jésus est affirmée par Paul en vue d’annoncer la nôtre. Comme si elle importait moins que notre libération.
La conception virginale n’est pas le constat d’un examen gynécologique. L’évangile ne s’occupe pas d’obstétrique ! Jésus serait biologiquement le fils de Joseph, ce que n’écarte aucun des évangiles, cela ne change rien. Les récits de Matthieu et Luc reprennent suffisamment les naissances inattendues du premier testament pour être compris dans leur dimension théologique : ils disent quelque chose sur Jésus dans sa relation avec Dieu et l’inattendu de la fécondité divine, plus forte que la stérilité ou la vieillesse. A la fin de l’évangile, on dira plus forte que la mort même. Ils disent l’engendrement par Dieu, possible pour les hommes par la naissance en la chair de son fils, « car rien n’est impossible à Dieu ».

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